En 2017, un accident de moto rend Majed Bourguiba paraplégique, et lui arrache sa passion : la plongée. Mais, son ami d’enfance, Mathieu Ferreira, fondateur des Pêcheurs du Cœur, décide quelques années plus tard de l’aider à retrouver le calme des profondeurs.
« Quelle nouvelle idée a-t-il bien pu avoir ? »
« Tout le monde m’a pris pour un fou ! », rigole Mathieu Ferreira d’un air revanchard. À commencer par Sophie, sa femme, qui le voit rentrer un soir après un verre avec Majed Bourguiba, son ami d’enfance. Animé d’une mystérieuse détermination, il attrape la grande table à manger de la cuisine pour la placer devant la télévision et part à la recherche de toutes les paires de ciseaux qu’il peut trouver dans les tiroirs de sa cuisine. « Est-ce que tu peux aller me chercher mon jean s’il te plaît ? », demande-t-il à sa compagne. Étonnée, elle le lui ramène, ne s’attendant pas à le voir aussitôt l’entailler à grands coups de ciseaux. « Quelle nouvelle idée a-t-il bien pu avoir ? »
« Ce jour-là, il m’avait dit : je vais t’aider. »
Ce n’est pas la première fois qu’elle le voit pris d’une lubie créative. L’année passée, c’était des combinaisons de plongée qu’il avait commencé à lacérer sous le toit de cette même maison de campagne de l’arrière-pays aixois. En les recyclant, il avait confectionné des tapis de sol en Néoprène, assis sur le carrelage, devant les yeux candides de ses deux minots. Mathieu s’était mis en tête de fournir des matelas aux sans-abri marseillais. Avec ses amis et les bénévoles de son association, Les Pêcheurs du Coeur, ils avaient ensuite organisé une maraude à Marseille pour les distribuer.
Cette fois, c’est différent. Il s’est engagé à aider Majed, paraplégique depuis cinq ans, à redécouvrir les joies de la plongée. Cette idée ne le quitte plus depuis ce verre qu’il a partagé avec son ami d’enfance sur le port de l’Estaque. Majed lui avait décrit l’humiliation qu’il avait ressentie, lorsque quatre personnes avaient dû l’aider pour tenter en vain de le faire rentrer dans une combinaison. Malgré son handicap, Majed aimerait tant retrouver le calme des profondeurs, mais depuis ce traumatisme, il s’interdit d’y penser. À ce moment précis, Mathieu lui promet qu’un jour, ils iront plonger ensemble au large du port de l’Estaque comme ils le faisaient quand ils étaient minots : seuls, sans l’aide de personne. « Ce jour-là, il m’avait dit : je vais t’aider. Je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait faire, mais je lui faisais confiance », se remémore ému Majed.
Comment entrer dedans, sans bouger le moindre orteil ?
Entre les murs de pierre de son salon, sous le regard attentif de sa femme, Mathieu fixe le jean éventré sur la table devant lui. Assis sur sa chaise en bois, il se répète comme un mantra : comment entrer dedans, sans bouger le moindre orteil ?
Après de longues minutes, il tente le coup. En prenant soin de ne contracter aucun des muscles de ses membres inférieurs, il saisit l’arrière de son genou, et essaye de l’introduire dans le pantalon. La première jambe passe. Mais lorsque vient le moment de la deuxième, la couture, déjà éprouvée par les lames des ciseaux, cède. Il relève les yeux vers sa femme qui se demande toujours ce qu’il trafique. « Tu peux aller me chercher mon deuxième jean là-haut s’il te plaît ? » […]
Par Arthur Sabatier