Rencontrer Claude Alphandéry, c’est avoir devant soi une vie d’engagement. Le temps qui passe n’a pas d’effet sur ce jeune centenaire aux yeux qui plissent de plaisir lorsqu’il vous raconte l’anecdote des truffes dans le maquis de la Drôme. Résistant, chef d’entreprise, promoteur de l’économie sociale et solidaire, l’homme s’est toujours engagé mais n’en a jamais fait grand cas. « L’engagement, c’est la rencontre entre une nature particulière et des évènements exceptionnels », dit-il simplement. Récit.
Quand on a 18 ans et qu’on est face à des évènements comme l’effondrement de son pays, et d’une forme de civilisation, s’engager, ça va de soi. On n’a pas l’impression de s’engager. On a l’impression qu’il y a une sorte de nécessité de refuser l’inacceptable. Ensuite les choses évoluent en fonction de comment la situation évolue elle-même. On n’est pas seul dans cette affaire au début, on est en quelque sorte porté par le mouvement ! Ce que vous appelez l’engagement, c’était des tas de petites choses, c’était des petits journaux, des petites manifestations, des actions de solidarité vis-à-vis de ceux qui étaient plus durement frappés par la situation. Des petits jeunes comme je l’étais, qui agissaient de manière très respectable mais sans impact réel, étaient appelés à se réunir autour d’un mouvement qui serait un engagement collectif.
Mais ça n’est pas venu tout seul. Il a fallu œuvrer pour l’unité de la Résistance qui était complètement morcelée. L’engagement, c’est un élan personnel au départ mais qui ne peut exister qu’avec les autres. Il y a des gens qui ont envie de faire quelque chose mais ça ne se transforme que s’il y a une dimension collective. C’est ce qui s’est passé dans les maquis. Tous ces mouvements divisés de Résistance, il fallait les unir en apprenant à discuter, accepter les différences, surmonter les conflits pour faire naître une ambition commune, celle d’une démocratie sociale. La Résistance, grâce au maquis, a pu porter le programme du Conseil national de la Résistance (cnr). Le programme du cnr, ça n’est pas simplement la réflexion de quelques têtes pensantes, bien sûr il fallait ces têtes pensantes, mais dans toute la France il y avait des gens qui discutaient autour de pourquoi la République avait sombré dans la défaite, et comment on pouvait reconstituer un pays.