Sophie Elizéon est née à Paris d’un père réunionnais et d’une mère corrézienne. Première Réunionnaise préfète dans le Territoire de Belfort, elle est également devenue en 2021 la première femme à la tête de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).
Que représente pour vous cette nomination ?
La délégation donne à voir la société telle que nous voulons la construire, une société de fraternité, d’égalité, qui accueille toute personne indépendamment de sa religion, de son origine, de ses orientations sexuelles ou de ses identités de genre. C’est un grand honneur pour moi de remplir cette mission. Je suis la première femme à la tête de la délégation, et j’ai même pris mes fonctions le 8 mars ! Un double symbole qui dit aux femmes que tout est possible. Christiane Taubira disait : « Nous sommes la moitié du ciel et même un peu plus. » Nous méritons donc d’accéder à toutes les fonctions. Derrière ce symbole, il y a aussi un engagement de l’État à rajeunir et diversifier le personnel.
D’où vient votre combat pour l’égalité des droits ?
Je n’étais pas destinée à avoir cette carrière, car j’ai fait une école de commerce. Deux rencontres ont tout changé en 1997 : ma découverte de la politique de la ville et un engagement associatif à la jeune chambre internationale. C’est là que j’ai appris le fonctionnement en mode projet, la co-construction, avoir confiance en moi, prendre la parole en public, étudier des sujets que je ne maîtrisais pas. Ces expériences ont éveillé en moi le besoin de me rendre utile, de servir à quelque chose afin de donner du sens à ma vie. Comme toute injustice me révolte, je trouve dans ma recherche de l’égalité pour tous une forme de militantisme.
Chaque année, un million deux cent mille personnes sont victimes de discrimination ou d’atteinte à caractère raciste ou antisémite. Pour l’association Le Cran, ce sont 9 personnes noires sur 10. Comment expliquer ces chiffres ?
La DILCRAH a fêté ses 10 ans en 2022. Ce qui a changé, c’est le rôle joué par les réseaux sociaux et certains médias d’information en continu dans la propagation de la haine. Les haineux, eux, se radicalisent : beaucoup passent à l’insulte, d’autres en viennent aux mains. Dans le même temps, la société évolue et devient plus tolérante : l’indice de tolérance atteint 68 points (sur 100, selon le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme de 2022, ndlr). Ce qui effraie les personnes qui ne s’inscrivent pas dans ce progrès. Nos actions portent donc des fruits…
Propos recueillis par Chantal Baoutelman