Si « l’homme qui dort construit le monde » selon les dires d’Héraclite, mieux vaut passer de bonnes nuits pour espérer un futur désirable… Étape 1 : s’assurer de beaux rêves.
Commençons par rappeler que la concurrence entre rêves et cauchemars est rude : 93% de nos nuits seraient visitées par des rêves contre 72% de cauchemars (Ifop, 2021). Prenez un cerceau circulaire en bois ou en plastique, entrelacez-y de la ficelle que vous pouvez décorer d’ornements telles des perles ou des plumes : vous voilà propriétaire d’un attrape-rêves ou « capteur de rêves ».
Selon la légende, lorsque les rêves viennent nous rendre visite la nuit, l’attrape-rêves fait prisonniers de sa toile les mauvais rêves afin que seuls les bons trouvent leur chemin vers le rêveur. Au petit matin, les chaudes lueurs du soleil brûlent les mauvais rêves capturés. Symbole de l’identité et de l’artisanat amérindien, leur origine reste pourtant floue.
D’où vient le pouvoir attribué aux attrape-rêves ?
Les cultures autochtones entretiennent une relation différente aux rêves de celle occidentale : magiques, les songes sont perçus comme des messages entre le monde des esprits et la vie quotidienne. Selon cette conception, les rêves ne se créent pas au sein de notre esprit, mais viennent nous rendre visite depuis le monde extérieur pour nous permettre de communiquer avec les « visiteurs de rêves ».
Devenu phénomène marketing à partir des années 90, l’attrape-rêves reste un symbole de solidarité et d’identité pour les peuples autochtones.
DREAM CATCHERS: LEGEND, LORE AND ARTIFACTS, CATH OBERHOLTZER – FIREFLY BOOKS
Étape 2 : s’essayer aux états seconds
Se souvenir de ses rêves, 89% des Français y arrivent et un tiers d’entre nous affirment faire des rêves lucides au moins de temps en temps (Ifop, 2021).
Et si le songe était la solution aux grandes questions de la vie ? Et si nous foncions « tête baissée dans les voix du merveilleux » ? Après tout, si les rêves sont capables de témoigner de l’état de notre psyché, ils produisent aussi les images les plus propices à la poésie.
Au menu du jour, recette surréaliste pour maîtriser l’art de briser les conventions, échapper aux contraintes de la logique et de la morale grâce à l’écriture automatique. « Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même.
Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez-vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas vous retenir et ne pas être tenté de vous relire.
La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase, étrangère à notre pensée consciente, qui ne demande qu’à s’extérioriser. »
ANDRÉ BRETON, MANIFESTE DU SURRÉALISME (1924), ÉDITIONS GALLIMARD
Étape 3 : l’art d’échapper à l’insomnie
Mais avant de se lancer dans de telles élucubrations nocturnes, il faut déjà réussir à s’endormir. Diriez-vous qu’au cours des huit derniers jours, vous avez eu des problèmes de sommeil ? 65% de nos concitoyens répondent oui (Ifop, 2021).
« Un insomniaque c’est quelqu’un qui cherche à dormir sans y parvenir alors qu’il suffirait d’occuper cette étroite bande de temps à tout autre activité silencieuse : lire, méditer ou quitter la maison sur la pointe des pieds. Certains d’entre nous sont des dormeurs innocents, d’autres des noctambules qui s’ignorent.
Et la nuit appartient à ceux qui parviennent à s’échapper du labyrinthe de l’insomnie qui pourrait devenir le pire des cauchemars. Si l’on sort, on risque de découvrir une ville distincte de celle que l’on traverse le jour. Les conversations sont différentes, les chats sont gris et la vie plus fluide. Si vous restez dans votre lit à lire ou à méditer vous serez étonné par la qualité du silence qui vous entoure, et ravi par la facilité avec laquelle vous serez capable de résoudre les problèmes que vous pensiez complexes. »
L’ART PRESQUE PERDU DE NE RIEN FAIRE, DANY LAFFERIÈRE, ÉDITIONS GRASSET & FASQUELLE
Par Noémie Benkrim