Crise sanitaire, tensions sociales, dérèglement climatique, augmentation des burn-out et des dépressions… Les crises collectives se succèdent en parallèle de nos crises individuelles. Et ce n’est pas un hasard selon l’écrivain et thérapeute belge Thierry Janssen. Dans son livre La Posture juste, publié aux éditions l’Iconoclaste, il nous invite à guérir la névrose du monde en osant le chemin de l’harmonie avec soi, les autres et la nature. Entretien.
Qu’est-ce que la posture juste ?
C’est une posture psychologique, corporelle et spirituelle. Elle nous permet de revenir à la paix, à la confiance et à l’unité. Elle suppose que nous identifions clairement notre place dans notre relation aux autres et avec le vivant ; elle peut être atteinte par un travail sur les mouvements énergétiques.
Pourquoi vous semble-t-il urgent de trouver l’harmonie en soi, aujourd’hui ?
C’est une utopie de croire que l’on va faire avancer la cause écologique sans passer par un travail intérieur. Les déséquilibres extérieurs reflètent nos déséquilibres intérieurs. Je me souviens d’une conférence à laquelle j’ai été invité avec Pierre Rahbi, et je lui disais que tous les efforts fournis pour alerter les gens de l’urgence écologique resteront stériles tant que l’énergie déployée ne sera pas dirigée vers le changement intérieur. Le processus de changement d’une habitude, d’une croyance doit passer par le corps, le ressenti, l’expérience. On ne peut pas se transformer durablement sans passer de la réflexion à l’action, de l’esprit au corps.
Nous pouvons rester bloqués dans nos blessures, où les regarder en face, les ressentir, pour les dépasser.
Comment lutter contre la résistance au changement ?
En arrêtant de lutter. On a dénoncé, alarmé, on s’est indigné de l’état de la planète et cela n’a pas suffi à enrayer la course folle qui nous mène vers toujours plus d’inégalités, de tensions, de déséquilibres naturels… Nous dépensons beaucoup d’énergie pour nous convaincre que nous pouvons encore sauver le monde. Il vaut mieux accepter la réalité du réchauffement climatique et avancer. Comment inventer un monde plus harmonieux ? Se poser cette question, c’est entamer un processus qui commence en soi. Comment puis-je être en plus en harmonie avec moi-même, les autres et la planète ? Tout est relié. Nos névroses alimentent la névrose du monde. Seule la conscience, c’est-à-dire cette partie de nous qui est sage et éveillée, peut nous aider à faire le tri entre nos comportements névrotiques et nos valeurs profondes . Il est possible de faire de l’éco-spiritualité un outil de compréhension de l’esprit.
Comment nous libérer de nos comportements névrotiques ?
En commençant par les reconnaître, et reconnaître leur impact sur notre relation au monde. Nous avons tous nos névroses, que je décline dans le livre sous la forme de différents profils : masochiste, rigide, schizoïde, psychopathe… Ce sont des mots pour qualifier une façon d’entrer en relation avec le monde à partir de nos blessures. Nous pouvons rester bloqués dans nos blessures, ou les regarder en face, les ressentir, pour les dépasser. J’explique dans le livre comment adopter la posture juste, celle qui nous permet de sortir de la névrose pour aller vers la conscience.
La guérison du monde passe par notre guérison intérieure ?
J’ai créé l’École de la présence thérapeutique, à Bruxelles, pour former des soignants à une nouvelle prise en charge de la maladie. Des médecins, des infirmières repartent dans leur service avec des clés pour revenir à un peu plus d’humanité dans les relations entre soignants et soignés. De nombreuses personnes se posent la question de leur utilité. Il y a une véritable demande autour de la question du sens. Cette quête de sens correspond à un éveil de conscience de plus en plus rapide. Adopter la posture juste, c’est s’ancrer dans le réel et affirmer, dans le respect des autres, sa vérité en incarnant ses valeurs. La posture juste est le moteur de l’action juste. Dans le chaos ambiant, chacun d’entre nous peut être un accélérateur de cohérence, et contribuer à la guérison du monde.