LE Trait d'Union
©Chantal Baoutelman

Le Trait d’Union, un lieu de répit pour les filles mères

Elles ont entre 13 et 17 ans. Elles sont ados et déjà mères ou en voie de le devenir. Le Trait d’Union accompagne ces jeunes filles à accueillir leur enfant, essayer de faire famille malgré leur trajectoire cabossée, et assumer cette nouvelle vie, trait d’union vers leurs rêves.

Vendredi 20 octobre, 8h50. Daniella, les cheveux tirés en chignon, installe machinalement son bébé pour le petit déjeuner. Leur tête-à-tête silencieux est rompu par la voix de Caroline Jourdain qui murmure : « Parle à ta fille. Elle vient d’enlever son bavoir. » La maman, qui porte un gilet trop grand pour elle, s’exécute. Daniella est une mère mineure. Elle a 13 ans, sa fille Adèle, 15 mois. Elles sont rejointes par un autre duo mère fille. Renata* 17 ans, des couettes tressées sur la tête, donne elle aussi le biberon à sa fille de 2 ans, Violette*. C’est le rituel du matin avant le départ pour la crèche. Les jeunes mamans et leurs enfants sont hébergées dans un lieu de vie et d’accueil appelé Le Trait d’Union, membre de l’association Le Répit.

En France, en 2019, 4 111 naissances étaient le fait de mères mineures, soit 0,5 % des naissances.
Le département de l’Essonne où se situe le lieu comptait 48 mères mineures en 2020. La direction de la protection maternelle et infantile et de la santé (DPMIS) a suivi 62 filles de moins de 18 ans enceintes. Cette maison était une demande du conseil départemental pour répondre à cette problématique territoriale.

75 % des jeunes accueillies n’ont pas de famille en France

Le Trait d’Union a ouvert le 1er avril 2019. Il est cogéré par Aurélie Bollet-Sadrin, 29 ans, et Caroline Jourdain, 31 ans, permanentes responsables. La première est éducatrice technique spécialisée de formation, la seconde a une licence Histoire de l’art et archéologie. « J’ai toujours dit à mes parents que j’allais ouvrir un lieu de vie à mes 25 ans, car je connaissais ce contexte : ma grand-mère et ma mère étaient famille d’accueil», raconte Aurélie Bollet-Sadrin. Elle a tenu parole en dirigeant ce lieu d’hébergement pour mères mineures depuis ses 24 ans. Elle a embarqué sa compagne Caroline Jourdain dans le projet, un choix de vie, ensemble. Les permanentes responsables vivent en couple dans la maison avec les jeunes accueillies. Actuellement, il y a Daniella et Renata ainsi que leurs filles, et Aliyah, 14 ans, enceinte de 8 mois. Les pensionnaires peuvent rester jusqu’à leurs 18 ans ou 21 si elles signent un contrat de jeune majeur et s’engagent à être suivies. Ainsi, quatre anciennes devenues adultes occupent aujourd’hui des appartements du Trait d’Union à l’extérieur.

« 75 % de nos jeunes n’ont pas de famille en France et sont arrivées sur le territoire par leurs propres moyens en tant que mineures non accompagnée », expose Caroline. « Ce sont des ados avec peu de repères, peu de notion de famille. 80 % sont polytraumatisées : elles ont été soit mariées de force, soit abusées sexuellement, soit vendues », poursuit Aurélie. […]

*Les prénoms ont été modifiés.

Par Chantal Baoutelman

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respect 08
PEUT-ON CHOISIR SA FAMILLE ?

MANIFESTE RESPECT

Respect : n. m. (latin respectus)

  • Sentiment de considération envers quelqu’un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards ; Manquer de respect à quelqu’un.
  • Considération que l’on a pour certaines choses ; Le respect de la parole donnée.

Source : Larousse.fr 

Étymologiquement, le respect est le fait de se retourner pour regarder ; il implique un effort d’attention vers autrui, associé à la reconnaissance d’une dignité égale. En philosophie, Kant est l’un des premiers à avoir défendu cette notion. Pour lui, le respect est avant tout le sentiment de la dignité de la nature humaine : en respectant la dignité des autres, dans toutes leurs différences, nous nous interdisons de les juger. Comprendre le potentiel et la force du respect, c’est reconnaître sans condition la dignité humaine.

Au-delà même de la tolérance qui, elle, n’exclut ni le mépris ni la pitié, le respect lutte et agit en vertu de la dignité humaine et de la bienveillance.

Approcher début 2022 la notion de respect, et donc celle de dignité, conduit à poser un acte d’engagement au cœur de ce moment clé de transition de notre époque.

Alors que le débat démocratique insiste souvent sur l’absence de projet collectif, sur ce qui sépare les « communautés », tout en faisant l’apologie des libertés individuelles au détriment du commun, il semble indispensable de poser en valeurs cardinales le respect et la dignité, sous toutes leurs formes, à commencer par le respect de la différence.

Appuyé sur une histoire forte et exigeante, le nouveau magazine respect porte haut les couleurs du respect des autres, de la différence, de toutes et tous, c’est-à-dire de la différence en termes d’âge, de genre ou de sexe, d’orientation sexuelle, de handicap, de croyances, d’opinions, d’origine sociale, culturelle, économique…

Et dans la continuité de cet axe fondamental, le respect s’étend à tout ce qui nous entoure, à l’ensemble des sujets du temps présent au cœur desquels s’inscrit l’engagement, sous toutes ses formes.

Il s’agit ainsi :

  • Du respect des autres
  • Du respect de la différence
  • Du respect de l’environnement
  • Du respect du débat démocratique
  • Du respect des enjeux sociaux
  • Du respect des territoires

Du respect de l’entreprenariat lorsqu’il est sincèrement orienté vers son impact sur l’humain et sur la planète.

Le magazine respect s’incarne par des visages, des mouvements, des aspirations et prend la parole en la donnant à des voix uniques, singulières et collectives, rassemblées à travers des récits, des manifestes, des exclamations.

Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. (Albert Camus)

En France, le respect de la dignité humaine a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994.

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