Il y a vingt ans, Nicolas Huchet perdait sa main dans un accident de travail. Il y a dix ans, il en a eu assez de sa prothèse, qui ne lui permettait pas de faire ce qu’il voulait, c’est-à-dire simplement vivre, serrer des mains, jouer de la batterie ou avec un pistolet qui lance des balles en mousse. Aujourd’hui, Nicolas Huchet peut faire tout ça, et bien plus encore, puisque, avec son association My Human Kit, il continue d’avancer pour lui-même, mais aussi, et peut‑être surtout, pour les autres !
Ça a commencé comment My Human Kit ?Jai perdu ma main dans un accident de travail, puis j’ai passé dix ans appareillé d’une prothèse myoélectrique, c’est-à-dire une prothèse de main qui permet un mouvement d’ouverture et de fermeture. C’est une sorte de pince longue, lourde, pas très jolie et pas très fonctionnelle. En gros, je ne me sentais pas bien dans ma peau et j’ai eu envie de trouver une solution.
À ce moment-là, je vois qu’il existe de nouvelles prothèses sophistiquées qui bougent tous les doigts. J’en parle à mon prothésiste qui me dit que c’est très cher et que ça n’est pas remboursé par la Sécu. En parallèle, je découvre qu’il existe dans ma ville, à Rennes, un FabLab, un laboratoire de fabrication collaboratif dans lequel il y a des imprimantes 3d. J’y vais et je leur demande si on peut fabriquer des prothèses avec ces machines.
Ils me disent ok, on peut essayer, mais à une condition : on te demande de partager tes recherches pour que ça puisse aider d’autres personnes. À cette époque-là, j’en avais marre de ce système où il fallait avoir de l’argent pour accéder à une bonne prothèse. Je me suis dit, en bon rebelle : « J’emmerde le système, ma prothèse je vais la faire moi-même ! » Et quand j’ai compris que ça allait aider d’autres, j’ai su qu’il fallait vraiment que je le fasse.
Et, assez rapidement, vous fabriquez une prothèse…On a trouvé sur Internet des plans en open source, c’est-à-dire des plans en libre accès, d’une main robotique. On l’a fabriquée grâce à l’imprimante 3d et on l’a adaptée sur moi. Tout s’est fait en six mois, mais le résultat n’était pas du tout utilisable (rires !)… Mais, par contre, ce qui avait complètement changé, c’était la manière dont je voyais mon handicap. C’est comme ça qu’on a créé My Human Kit, en se disant que le handicap peut être un levier, une source de créativité, une source d’inspiration, un centre de gravité autour duquel des personnes peuvent se retrouver et inventer ensemble des solutions.
Et la prothèse… vous l’avez améliorée depuis ?C’était déjà une prouesse, moi amputé, je faisais bouger une main imprimée 3d dans un FabLab pour 300 euros… C’était dingue ! Et tous les ans, depuis dix ans, on se dit qu’on peut aller un peu plus loin. Aujourd’hui, cette prothèse commence à exister pour de vrai, à être fonctionnelle. On a aujourd’hui un prototype conçu par l’intelligence collective, le réseau de bénévoles, d’entreprises, de salariés à Grenoble, à Lyon, à Nantes et à Angers. Il y a aussi des étudiants qui ont travaillé sur la conception et la fabrication du prototype durant leurs heures de cours, et ça compte pour leur BTS ![…]