Auparavant, elle dirigeait le pôle Habitat et Action sociale du Groupe SOS, où elle était en charge des établissements et des services proposant hébergement et accompagnement aux personnes vulnérables, qu’elles soient sans abri, migrantes, demandeurs d’asile. Elle sait ce que veut dire concrètement donner l’hospitalité. Avant que la loi immigration ne soit débattue au Parlement, nous faisons le point avec elle sur l’accueil en France.
Qu’est-ce que signifie pour vous ce terme d’hospitalité ?
CM Pour moi, l’hospitalité a à voir avec la manière dont on interagit les uns avec les autres. Cela relève de la fraternité, mais aussi de bienveillance. C’est différent de la question de l’accueil : parler d’hospitalité, ça n’est pas se demander est-ce qu’on doit accueillir, est-ce qu’on doit maîtriser les flux ? C’est quelque chose qui est beaucoup plus profond et qui a à voir avec notre rapport les uns avec les autres, quelle place on laisse à l’autre ? Ce mot permet de sortir de la question de l’immigration pour rejoindre le vrai sujet qui est celui du vivre-ensemble, du lien social, de quelle société on construit ! Je crois que c’est une erreur de dire que l’hospitalité est un devoir. Les droits et les devoirs, c’est la loi qui les fixe. L’hospitalité, c’est comment on vit ensemble.
On parle très souvent dans les débats autour de l’immigration de la difficulté à accueillir, beaucoup moins souvent du fait que ça n’est pas si facile d’être accueilli…
CM Je crois que ce qu’on oublie souvent, c’est que s’exiler, c’est perdre quelque chose, se couper de quelque chose, être déraciné. Alors oui, il y a sans doute un rêve d’une situation meilleure dans le pays d’accueil, mais il y a aussi le déracinement qui déstabilise ces gens. Tout le monde n’est pas blessé par des choses terribles, toutes les histoires de migration ne sont pas dramatiques, mais il y a toujours cette situation d’arrachement, de perte, de déracinement qu’il faut dépasser. La première observation qui est faite quand on accueille, ça n’est pas d’où viennent les personnes ni si elles sont légitimes à être en France, mais est-ce qu’elles vont bien, mentalement et physiquement, est-ce qu’elles pourront trouver leur place dans un pays et une langue qu’elles ne connaissent pas et comment les aider à cela.
Comment ça se déroule l’accueil pour une personne qui cherche refuge en France aujourd’hui ? Et par quelle structure ça passe ?
CM En fait, le problème, c’est que la France est une énorme machine bureaucratique qui, à chaque fois qu’elle voit une situation différente, décide de créer un dispositif spécifique pour y répondre. Et donc, comme il y a 20 000 manières d’arriver en France, on peut demander l’asile, on peut demander un visa pour des raisons de santé, on peut demander un visa étudiant, etc. Il y a autant de procédures et de guichets où se présenter et ça rend les parcours très compliqués. Pour notre part, et à l’exception de l’asile qui est un dispositif à part, on accueille les personnes en exil lorsqu’elles se retrouvent en grande précarité, à la rue. Certaines personnes entrées en France trouvent rapidement un réseau, un emploi et se débrouillent très bien. Celles-ci n’arrivent pas chez nous, elles n’expriment pas le besoin d’accompagnement, mais les autres ont ce besoin d’hébergement. C’est comme ça que la question de l’accueil en France s’est transformée en une question d’urgence sociale […]