À 32 ans, Jérémie Peltier est le directeur d’un des think tanks les plus influents dans le débat public, la Fondation Jean-Jaurès. Rencontre avec celui qui est devenu un témoin privilégié des Françaises et des Français, depuis les inégalités face au départ en vacances, en passant par le rôle des cantines dans la France de l’inflation jusqu’au syndrome de fatigue informationnelle.
Directeur de la Fondation Jean-Jaurès à 32 ans, c’est‑à‑dire à peu près le même âge que la Fondation elle‑même, ça n’est pas trop jeune ?
(Il sourit) Je suis codirecteur… Ça fait dix ans que j’y suis et en dix ans, j’ai eu le temps de connaître cette maison, son fonctionnement, les différentes fonctions. J’ai pu, pendant les dix années précédentes, toucher à peu près à tous les secteurs, et, mis à part peut-être la comptabilité, j’ai exercé à peu près tous les métiers. En fait, c’est ma première maison, ma seule maison, je n’ai fait que ça. Donc finalement, on peut dire que c’est un temps qui est, je pense, à même de justifier d’avoir des responsabilités.
C’est votre premier travail en fait…
J’étais en classe prépa littéraire au Mans et j’adorais ça, la littérature, les grands auteurs, les dissertations, les commentaires de textes, ça a été les deux années les plus intéressantes et les plus enrichissantes de ma jeune vie. J’étais parti pour faire une troisième année, mais je commençais en même temps à m’intéresser un peu à la politique. Mon professeur d’histoire était Gilles Candar, un des grands spécialistes de Jaurès et de la gauche. C’était un professeur merveilleux – qui a pris sa retraite aujourd’hui – et régulièrement, avant ses cours, il nous filait tout un tas de bouquins. Il disait : « Voilà, j’ai 10 livres aujourd’hui, Qui est intéressé par ça, par ça ? » Et très souvent, il nous distribuait des livres de la Fondation Jean-Jaurès, parce qu’il les recevait, et qu’il en était un des contributeurs réguliers. En fin d’année, la présidentielle de 2012 arrivait et je voulais vraiment aller à Paris. J’ai envoyé un courrier à la Fondation en disant que je les connaissais grâce à mon professeur d’histoire en prépa, je leur ai demandé s’il était possible de faire un stage chez eux en avril. J’ai ajouté que, si avant avril ils avaient besoin d’un bénévole pour faire des trucs parce que la campagne présidentielle approchait, j’étais là ! Et voilà…
Pourquoi ici ? Pourquoi la Fondation Jean-Jaurès ?
C’est un des rares endroits qui est entre le politique et le monde des idées, entre l’engagement et la réflexion, les lettres, l’écrit. Comme je n’avais pas envie de choisir entre l’un et l’autre, ça me permettait d’être au carrefour entre ces deux milieux. Puis c’est aussi parce qu’ils m’ont répondu !
Est-ce que c’était pour vous une forme d’engagement d’entrer à la Fondation Jean-Jaurès ?
En sollicitant un stage, en rejoignant cette maison, c’était une forme d’engagement. J’ai 21 ans en 2012, je ne suis pas un militant politique, mais j’ai le cœur profondément ancré à gauche, et je vois que le pays a peut-être une chance de basculer sur les prochaines présidentielles. Ici, je pensais pouvoir agir sur le cours des choses de façon moins exposée que dans un parti politique. Mes parents n’avaient pas de culture politique, je n’avais personne dans mon entourage pour me transmettre les codes et la Fondation, c’était entrer dans le champ politique sans être militant.