Hugues Chardonnet est un fou de montagne… Il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il se hisse à plus de 4 000 mètres d’altitude. Sauf que là-haut, on est un peu seul, et notre guide a donc décidé de partager son bonheur avec ceux qui n’y ont jamais accès. L’association 82-4 000 ou le droit à la beauté pour tous.
82-4 000. Ça veut dire quoi ?
C’est la montagne qui devient solidaire, ou plutôt, c’est une façon de pratiquer l’alpinisme qui est solidaire des plus pauvres. Et pourquoi 82-4 000 ? Eh bien, il se trouve que, dans les Alpes, il y a, parmi les plus beaux sommets, ceux qui dépassent 4 000 mètres d’altitude, on en compte officiellement 82 ! Et c’est un rêve d’alpiniste de les faire tous. Voilà le rêve des alpinistes qui devient solidaire.
Comment tout ça a commencé ?
C’est une histoire d’amour, bien sûr, comme toutes les belles histoires. J’ai eu la chance d’être invité par des gens absolument généreux qui m’ont ouvert leur chalet, quand j’étais tout gamin, avec leur fils qui était mon ami. Et puis, cette passion de la montagne, elle a grandi pendant toute ma vie et, quand j’ai eu la chance, assez tardivement, de passer le diplôme de guide de haute montagne, ça a été un éblouissement. Et ça m’a choqué à ce moment-là. J’ai été très ému de me rendre compte que cet environnement naturel, qui appartient à tout le monde, est d’une certaine façon, réservé à des gens qui sont économiquement favorisés et qu’il y avait là le reflet d’une réalité très injuste et qui est peut-être le terreau d’un certain nombre de conflits. Et je me suis dit : moi, qu’est-ce que je peux faire comme petit geste tout simple ? C’est comme ça que l’association est née.
On s’imagine la montagne comme une forme de plaisir solitaire, un défi à soi-même, mais vous y avez vu la possibilité d’une forme de partage ?
Oui, vous avez raison. La solidarité montagnarde ne date pas d’hier, comme vous le savez sans doute, mais c’est vrai que l’image renvoyée aujourd’hui de la pratique de la haute montagne est celle d’une pratique un peu élitiste. Mais l’alpinisme est très souvent une histoire de passionnés qui sont d’autant plus heureux qu’ils partagent leur passion avec d’autres. Quand on me demande quel est le plus beau sommet que j’ai fait, je dis c’est celui que j’ai fait avec des gens que j’aime, des personnes avec qui on a été en osmose, en harmonie avec l’environnement. Et ça explique sans doute le fait que l’association, dix ans après, est plus vivante que jamais, et est en train de contaminer des alpinistes un peu partout sur le territoire…