En 2006 paraissait Gomorra : dans l’empire de la Camorra, un livre coup de poing révélant l’emprise souterraine de la mafia napolitaine. Saluée, couronnée, puis adaptée, cette enquête a valu une renommée internationale à son auteur, Roberto Saviano. Retour sur le parcours d’un homme qui a reçu la peur pour prix de son courage, mais ne se taira jamais.
On ne sait jamais vraiment où nos choix vont nous mener. La plupart du temps, leurs conséquences n’apparaissent qu’a posteriori, et ne s’apprécient qu’à l’aune du chemin parcouru. Pour Roberto Saviano, le coup d’œil dans le rétroviseur n’est pas seulement amer ; c’est un aller sans retour. Et pour cause : en raison d’une décision prise quand il n’avait que 26 ans, l’écrivain italien est un homme mort. Et cela fait dix-sept ans que ça dure.
La faute à Gomorra, le livre-enquête qu’il a publié en 2006. Soit 360 pages d’une précision clinique, mettant au jour l’envers du monde sur lequel règne depuis des décennies la Camorra, la puissante mafia napolitaine. Une pieuvre dont l’influence s’étend de l’Amérique du Sud au Vieux Continent, du trafic de drogue aux déchets toxiques, et qui a cloué plus de 4 000 cercueils entre 1980 et 2010 – davantage que le terrorisme sur le sol européen en plus d’un siècle et demi.
Dans une région – la Campanie – habituée à jouer au roi du silence, Roberto Saviano a commis un crime de lèse-majesté en donnant de la voix. Très vite menacé de mort, l’écrivain n’a eu d’autre choix que d’accepter qu’une garde rapprochée de carabiniers l’accompagne jour et nuit. Une mesure de sécurité transitoire pensait-il à l’époque. Le succès de Gomorra, aujourd’hui vendu à plus de dix millions d’exemplaires, et décliné depuis sur petit et grand écran, en a décidé autrement. Car la Camorra n’aime rien moins que la publicité. Ainsi, en septembre 2008, les Casalesi, le plus puissant des clans camorristes, faisaient passer leurs menaces dans une phase « opérationnelle ». Un euphémisme pour évoquer le contrat pesant sur la tête de Saviano et son escorte policière à exécuter avant Noël.
Par Olivier Saretta