Historienne du design, Catherine Geel enseigne l’histoire et la théorie du design à l’ENSAD Nancy, l’ENS Paris‑Saclay, et Sciences Po Paris. Elle est chercheuse associée au Centre de recherche en design (ENS Paris‑Saclay, Ensci‑Les Ateliers). Elle a fondé la maison d’édition T&P Work UNit. En 2019, Catherine Geel est commissaire de la section française de la Triennale de design de Milan dans laquelle elle a démontré que les designers n’étaient plus seulement des producteurs d’objets de consommation, mais comme des philosophes et praticiens, ils initient et participent à des projets complexes à plus grande échelle, d’ordre environnemental et sociétal.
Comment le design se lie à l’idée du vivre ensemble ?
En tout premier lieu pour répondre à cette question, il est indispensable de ne plus lire le design comme une industrie ou comme un artisanat qui fait des objets. Il faut le lire comme une discipline qui essaie de construire des « formes de vie ». Cette expression est utilisée par les designers au début du siècle et définit bien ce métier, lorsque l’on parle de formes de vie, on ré-ouvre le métier et on prend de l’air.
Comment le design a accompagné les époques dans nos manières d’habiter ensemble ?
C’est très paradoxal. Le design a toujours bien accompagné les époques dans les intentions… et les a assez souvent mal accompagnées dans les réalisations. Il y a toujours eu de belles intentions de design notamment en matière d’écologie. Dès la fin du XVIIIe siècle, par exemple, William Morris dit des choses extraordinaires. Je cite de mémoire : « Si vous acceptez d’être des travailleurs, on vous emploiera comme des machines et on vous mettra au rebut quand vous ne servirez plus. Citoyens, levez-vous ! ». Plus tard, le projet moderne s’est imposé avec une croyance dans le progrès et la technique. Le problème, aujourd’hui, c’est que l’on comprend le design comme une discipline tournée vers la consommation – ce qui est aussi vrai, je ne le nie pas – au lieu de regarder ce qui est plus émancipateur que la consommation. Dans le même temps, la consommation est une idéologie dans laquelle tout le monde a cru…