Le chercheur François Taddei en est convaincu : notre modèle éducatif n’est plus adapté au monde actuel. Selon lui, développer l’intelligence collective dans les salles de classe, et dès le plus jeune âge, serait la première étape d’un changement salutaire.
Vous encouragez à développer un modèle éducatif basé sur l’intelligence collective. Un changement de méthode pédagogique qui peut paraître radical…
Mais nécessaire. Si nos élèves continuent d’apprendre en faisant la compétition, il ne faut pas s’étonner que l’on se dirige vers des crises de domination et de surexploitation des humains entre eux et des nations entre elles. Et nous ne pouvons pas continuer non plus à mettre nos jeunes en compétition sur des savoirs d’hier qui, en plus, s’accumulent à vitesse grand V depuis trois siècles maintenant. On ne va pas leur demander de passer trois fois plus de temps à l’école, au collège ou au lycée pour les étudier, cela n’a pas de sens. Il faut donc réadapter notre modèle, interroger nos raisons d’apprendre et réinventer notre façon d’apprendre. Selon moi, le plus important aujourd’hui est de permettre aux jeunes de trouver du sens dans ce qu’ils apprennent, de trouver leurs propres solutions aux nombreux défis auxquels ils seront confrontés dans leur vie. Nous devons donc passer d’une logique de compétition sur les savoirs d’hier à une logique de coopération pour faire face aux défis de demain.
Passer d’un modèle compétitif à un modèle coopératif impliquerait-il de former autrement les enseignants, ou de revoir les moyens qui leur sont alloués ?
Il s’agit davantage d’une question de pédagogie que d’une question de moyens. Prenez l’exemple de l’école Catts-Pressoir, en Haïti. Elle a été nommée « meilleure école du monde » par la fondation Lego et Ashoka, celle qui prépare au mieux des élèves au XXIe siècle. Dans cette école, on apprend à des jeunes âgés de 6 à 18 ans à identifier et à relever des défis collectivement. Pendant que les élèves de 6 ans cherchent des solutions pour lutter contre la déforestation, ceux de 18 ans conçoivent des dispositifs de réduction d’ondes sismiques. Leurs réflexions, leur motivation et leurs travaux font que ces élèves de Catts-Pressoir participent régulièrement aux Olympiades internationales de géosciences. Tout cela se passe dans l’un des pays les plus pauvres du monde, ce n’est donc pas une question de moyens ou de ressources. En revanche, il faut former les enseignants, les accompagner, leur donner le droit à l’erreur, et ne pas leur taper sur les doigts dès qu’ils sortent des lignes du programme qui, au passage, est rarement terminé en fin d’année…