Les niveaux d’anxiété et de dépression parmi les adolescents français sont très préoccupants… C’est ce que révèle une étude en France menée à l’initiative de l’association « Notre avenir à tous ». Quelles solutions pour lutter contre ce mal-être dans un contexte de crise ? Entretien avec Hélène Roques, fondatrice de l’association.
Quel est le constat concernant la santé mentale des adolescents ?
Nous avons proposé des tests médicaux aux adolescents interrogés dans cette étude, et ces tests révèlent qu’1 jeune sur 4 souffre d’un trouble anxieux généralisé. Irritabilité, fatigue, problème de concentration, sentiment de vide et d’inquiétude sont les manifestations de ce trouble qui touche aussi bien des adolescents en milieu urbain qu’en milieu rural, quel que soit leur milieu social. Ces résultats m’amènent à penser que le mal-être est systémique. 1 adolescent sur 10 a aussi déclaré avoir eu des idées suicidaires. Ces résultats ont été collectés en octobre 2021, en dehors des périodes de confinement. S’il est indéniable que la crise sanitaire bouleverse notre quotidien depuis 2 ans, et a fragilisé les jeunes et leurs parents, la détresse psychologique identifiée dans cette étude exprime un malaise plus profond.
Quelles sont les causes de cette souffrance ?
Le culte de la performance et de la perfection, en particulier à l’école, semble être l’une des causes de ce mal-être. 64 % des jeunes interrogés se sentent angoissés avant une interrogation ou un rendu de notes. Cela m’amène à penser que le format des notes est peut-être à discuter. En France, la note sur 20 est une institution que certains établissements remettent en question au profit d’autres types d’évaluations. Un poids énorme pèse sur les adolescents, qui sont appelés à se projeter très tôt dans leur vie d’adulte. On leur en demande trop. À cet âge, l’école est censé être un endroit où l’on va se construire, en réalité, c’est un lieu où l’on est jugé en permanence. Ce système ne convient plus aux jeunes qui ont besoin d’être accompagnés dans la connaissance d’eux-mêmes, pour avancer dans l’existence avec davantage de confiance.
Il est urgent que la société entière prenne au sérieux cette étude, au risque de sacrifier une génération entière.
Quelles solutions proposez-vous ? Lorsqu’ils se sentent mal, les adolescents ont tendance à regarder les écrans (téléphone, télévision, tablette ou jeux vidéo) de manière intensive : presque deux tiers d’entre eux regardent davantage l’écran en cas de mal-être. Les jeunes parlent à leurs amis via des textos, mais échangent très peu en physique. Il y a peu de lieux où ils peuvent vivre des expériences collectives entre eux, ou avec des adultes qui viendraient transmettre leurs compétences. Il serait intéressant d’ouvrir des tiers-lieux dédiés aux adolescents, qui seraient des lieux d’écoute et d’instruction, et des lieux participatifs visant le mieux-être. Partout, nous devons créer des alternatives attrayantes à l’écran pour récréer du lien.
Comment faire, du bien-être de nos adolescents, un enjeu de société ? Un groupe de travail, impliquant des acteurs publics, des responsables d’entreprise et des acteurs du monde de l’éducation, a été proposé en janvier 2022, par Notre avenir à tous, pour concevoir et proposer une série d’actions destinées à offrir à ces jeunes des alternatives aux écrans. Il est urgent que la société entière prenne au sérieux cette étude, au risque de sacrifier une génération entière. Le contexte de crise mondiale, écologique, sociale et sanitaire, n’en finit pas d’ébranler notre société. Elle doit nous pousser à revenir à un projet de société où le bien-être de nos adolescents est enfin pris en compte.