La Cité des chances est une association qui promeut l’engagement citoyen des jeunes de banlieue, en leur donnant des outils et en les accompagnant dans la vie citoyenne. Entretien avec Lauren Lolo, cofondatrice de l’association.
Comment lever les freins à la vie citoyenne des jeunes ?
Nos bénévoles engagés en faveur de l’égalité des chances se donnent pour mission de gommer au mieux les freins à l’engagement citoyen de la jeunesse. Nous souhaitons que chacun s’approprie le débat démocratique. Pour cela, nous avons créé plusieurs programmes : un parcours citoyen dès la seconde, avec des ateliers d’éloquence pour former les jeunes à l’art du débat, et des simulations parlementaires à partir de la première, où les jeunes endossent les rôles de député, de journaliste ou de lobbyiste, pour comprendre le fonctionnement du processus législatif. En terminale, nous leur proposons de découvrir des institutions.
Comment intéresser les jeunes à l’élection présidentielle, par exemple ?
Il y a une forme de défiance vis-à-vis de la politique. C’est pour cette raison que nous allons au contact des jeunes dans leurs quartiers. Nous organisons des débats sur des sujets en lien avec la présidentielle pour les 18-30 ans. L’occasion de les faire débattre sur l’écologie, les discriminations, l’emploi, le pouvoir d’achat. Nous avons recueillis leur parole sur tous ces sujets, et nous l’avons partagé avec les candidats à l’élection présidentielle. C’est un premier pas pour créer du lien entre des jeunes qui ont envie d’être entendus dans le jeu démocratique.
On ne naît pas citoyen, on le devient.
Quel est l’impact de vos actions ?
Depuis le lancement de l’association en 2018, le premier impact que nous observons est que les jeunes se réapproprient la vie démocratique, s’intéressent à l’actualité, en la comprenant mieux, car ils connaissent mieux le fonctionnement des institutions. Ils arrivent à construire leur propre opinion, et sont moins passifs face aux décisions politiques. Certains s’engagent dans la vie associative, car la vie démocratique ne s’arrête pas à la politique. La citoyenneté, c’est s’exprimer dans la cité, proposer des idées et agir pour la communauté. Nous invitons les jeunes à reprendre leur pouvoir, et à ne plus laisser d’autres personnes parler et décider à leur place. L’objectif est de faire émerger une nouvelle génération de représentants qui reflètent la diversité.
Comment avez-vous eu le déclic citoyen ?
Mon histoire est particulière. J’ai grandi à Clichy-sous-Bois, dans une famille où l’on votait sans toutefois parler de politique à la maison. À 16 ans, après un grave accident chirurgical, j’ai été accueillie et scolarisée dans un centre de rééducation et un lycée du 16e arrondissement de Paris, où j’ai découvert un autre milieu social que le mien. Mes camarades parlaient de politique, s’intéressaient à l’actualité, débattaient avec leurs parents qui occupaient pour la plupart des postes de cadres, quand moi je savais vaguement qui était le Président et le Premier ministre. Cela m’a ouvert les yeux sur les inégalités entre nous. Leur famille leur avait transmis des codes, des connaissances, des réflexes que je n’avais pas. Ce moment de ma vie m’a ouvert sur de nombreux sujets et, aujourd’hui, je suis conseillère municipale à Fosse, dans le Val-d’Oise, j’ai cofondé cette association, et je prépare un master d’intervention sociale, tout en travaillant pour la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
Pour aller plus loin : La Cité des Chances