Il a ramené des arbres et de la biodiversité dans le désert du Sahel. Yacouba Sawadogo, paysan burkinabé, a été un pionnier, dans les années 80, d’une agronomie nourrie de savoirs ancestraux. Son histoire et son héritage font l’objet d’un livre coécrit avec l’anthropologue de la nature Damien Deville, publié aux éditions Tana. « L’homme qui arrêta le désert ». Interview avec l’auteur Damien Deville.
En quoi Yacouba Sawadogo est-il un pionnier ?
Dans les années 80, alors que la sécheresse pousse les habitants du Sahel vers les grandes villes, il fait le chemin inverse en quittant un travail rémunérateur de commerçant, pour retourner vivre dans son village natal : Gourga. Seul, il se lance dans la reforestation de son territoire. Malgré des sols malmenés par des phénomènes climatiques extrêmes, il réhabilite la technique du zaï, une technique ancestrale héritée des anciens. Il réintroduit des espèces utilisées pour soigner. Sa démarche a été à la fois agronomique, écologique et spirituelle, et s’est appuyée sur des savoirs oubliés des communautés locales d’Afrique de l’Ouest.
Yacouba milite pour une société de la relation et de la rencontre.
Quel a été l’impact de sa démarche ?
40 ans après avoir planté les premiers arbres, une forêt de 40 hectares fait aujourd’hui rempart aux portes du village. La biodiversité et les gens sont revenus. Les sols ont retrouvé leur fertilité. Il a créé une véritable pharmacopée à ciel ouvert, puisqu’on y trouve 90 essences aux vertus médicinales, et Yacouba est aujourd’hui un guérisseur reconnu au Burkina-Faso. Son action lui a valu une reconnaissance internationale, car il a obtenu le Prix Nobel de l’alternative en 2018, et a été désigné Champion de la Terre par les Nations unies en 2020.
Quel est son message pour l’avenir ?
Il accueille des scientifiques, des agronomes européens et des étudiants issus des pays africains voisins, pour partager son expérience. Yacouba est un fervent défenseur de la diversité et œuvre à la réconciliation de tous les savoirs qui permettent de ramener de la vie et du vert dans le désert. Il souhaiterait créer un lieu de rencontre pour ancrer cela, et avec l’association l’Archipel des Alizées, nous cherchons à le soutenir. Yacouba milite pour une société de la relation et de la rencontre. Il nous montre un autre modèle de développement interdépendant avec la nature, source d’émancipation.